Si loin…

Ils étaient si loin l’un de l’autre. Les deux descendants van Hove étaient séparés de la sorte pour la première fois depuis que l’un et l’autre étaient nés. Jamais il n’avait traversé l’esprit d’Ethan que cette situation put se réaliser. Il devait reconnaître que la situation était telle que cela eut été possible.

Ellen et Ethan étaient séparés. Les deux uniques parties de leur propre puzzle de vie étaient séparées par le diamètre de la Terre qu’ils habitaient. Ethan pouvait le supporter, quoique difficilement. Il avait plus peur pour sa sœur que pour lui. Même s’il savait pertinemment qu’elle était assez forte pour se défendre seule. L’instinct du frère aîné, il n’y pouvait rien.

Cela faisait plusieurs nuits qu’il avait commencé son travail de surveillant. Il n’avait pas grand-chose à faire, des élèves ayant pour fonction « Chargé de Discipline » se chargeaient, comme le nom l’indiquait, de faire régner l’ordre. L’homme aux cheveux de jais n’était là qu’en cas d’urgence. Cela lui convenait parfaitement, il pouvait ainsi se laisser aller à la musique.

La musique lui procurait une vie parallèle. Il entrait dans un autre monde à chaque fois que ses doigts glissaient sur les cordes. Il tombait dans un monde duquel il découvrait nombre de merveilles toujours plus différentes les unes des autres. Certaines philosophes parlaient d’arc-en-ciel des sentiments. Ethan y voyait plus, bien qu’il ne sache mettre nom à ce qu’il vivait.

Bien qu’il soit vampire, Ethan clamait qu’il vivait et non subissait une existence. Il était heureux d’être de condition vampirique. Il ne comprenait pas ces vampires qui tentaient de vivre comme les humains. Selon lui, sa race pouvait tout aussi bien vivre de manière vampirique parmi les humains. Il respectait les humains. Ces derniers lui servaient juste de nourriture. C’était sa nature et il n’irait pas contre.

Adossé à un arbre, non loin du mur d’enceinte, ces pensées, aussi fugaces soient-elles à l’instant, animaient son esprit. Les feuilles le protégeaient de la neige en recueillant en leur limbe les délicats flocons.

Son regard bleu fut l’espace d’un instant attiré par une silhouette se dirigeant avec difficulté vers le portail. Il ne bougeait pas, se contentant d’observer la scène se jouant sous ses yeux. Une jeune fille, semblait-il, tâchée de cet hydromel vampirique, avançait. Ensuite elle tomba, elle s’écroula, l’emploi de ce verbe serait plus correct, dans la neige. Un murmure quasi inaudible parvint aux oreilles du vampire.

Après avoir attendu quelques minutes, il se dirigea lentement, à vitesse humaine vers le corps recouvert d’une fine particule blanchâtre et gelée. Sans bruit, ses pas le menaient vers elle. Seule les séparaient une barrière de métal noir forgé. Cet obstacle anodin fut vite passé et l’homme arriva à hauteur de la demoiselle. Il s’accroupit et l’observa sans un mot. L’ombre de sa demi-silhouette s’épanouissant sur la jeune fille, la couvrant d’une couverture imaginaire.